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Books and Music

Mon traître, ce héros (Dominique Jamet)

Posted on October 9 2008 by François Bourboulon

Mon traître, ce héros (Dominique Jamet)

Dominique Jamet poursuit sa chronique de la collaboration ordinaire. Dans son roman, un jeune homme met sa plume au service de l'occupant, mais els mots sont assassins.

Dans «Un petit Parisien 1941-1945 » (éd. Flammarion), il avait livré le regard d’un enfant de 6 ans sur son père dans les années noires de l’Occupation. L’enfant était Dominique Jamet lui-même. Le père, un intellectuel socialiste, mais surtout pacifiste tellement convaincu qu’il met ses idées au service de l’occupant. Avec «Un traître », son nouveau roman (« inspiré de la vie très réelle d’un collaborateur », explique l’éditeur), Jamet replonge avec maestria dans cette période de l’Occupation, si riche en zones obscures.

Le traître – on se gardera de dire le héros – est un jeune étudiant de 20 ans, Jean Deleau, qui se retrouve, par hasard, traducteur pour les services allemands en 1940. Embauché, salarié, Deleau est « enchanté de trouver à employer ses compétences », écrit Jamet. Ses employeurs, eux, n’ont qu’à se féliciter de ses services...Seulement, « traduire c’est trahir ». Surtout quand le traducteur va se muer en collabo consciencieux, délibérément au service de la police allemande et aux trousses des « terroristes ». Au point de devenir un jeune et efficace petit chef de la « Gestapo française ». Recherché par la justice à la Libération, condamné à mort par contumace, il se cachera pendant vingt ans avant de passer les vingt années suivantes en prison – entre-temps, il a été jugé, condamné à mort une deuxième fois et gracié par de Gaulle – et de finir ses jours sereinement en... Mais on laissera au lecteur du livre la découverte de cette fin de voyage.

Journaliste (un long parcours qui l’a conduit de « L’Aurore » à «Marianne ») et écrivain, ancien directeur de la Bibliothèque nationale de France, Jamet a le style précis de l’amoureux des faits et celui, limpide, de l’amoureux des lettres. Il place sa plume remarquable au service de ce roman où l’on croise officiers de devoir et petits malfrats cupides, lâches méprisables et courageux discrets. On y entend aussi Pierre Dac, speaker de Radio Londres (à travers le récit d’un somptueux duel à distance avec Philippe Henriot, la voix de Radio Paris), et on y suit un dîner de célébrités de la collaboration parisienne réunies à la table d’Henri Lafont.

A la fin de sa vie, Deleau se découvre une passion pour les paroles d’une chanson de Jean-Jacques Goldman («Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt / Sur les ruines d’un champ de bataille / Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens / Si j’avais été allemand ? »), à propos desquelles Jamet écrit : « Il lui semblait que le chanteur s’adressait à lui, personnellement, et à quelques autres comme lui. »

« Un traître", Flammarion, 393 pages, 20 euros.

In Paris Match du 09/10/2008

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