Overblog
Edit post Follow this blog Administration + Create my blog
fbourboulon.overblog.com

Books and Music

Ravenne et Giacometti, demi-frères du best-seller

Posted on August 10 2012 by François Bourboulon in Livre, Polar

L'un est franc-maçon, l'autre « maçon sans tablier ». Les deux sont amis de lycée et coauteurs à succès. Jacques Ravenne et Eric Giacometti ont trouvé, avec leur héros Antoine Marcas, la formule magique du thriller ésotérique français.

Un après-midi de juillet dans un café parisien. Eric Giacometti et Jacques Ravenne se prêtent à l'exercice de l'interview croisée. Adeptes du ping-pong verbal et des formules bien rodées, ils déroulent sans retenue leur histoire. Résumée ici en trois points, évidemment.

Un duo

Eric Giacometti est journaliste, ou plutôt l'était : profitant d'un plan de départ volontaire, il vient de quitter, après quinze ans de maison, « Le Parisien », où il était depuis six ans chef du service économie. Jacques Ravenne (Jacques Ravaud de son vrai nom), ancien chercheur au CNRS et spécialiste de manuscrits poétiques, fait de la politique, mais plus pour longtemps. Président - apparenté PS -d'une communauté de communes dans le Lot, il ne sollicitera pas de nouveau mandat.

Jagger et Richards ont initié les Rolling Stones en découvrant sur un quai de gare qu'ils écoutaient les mêmes disques. Giacometti et Ravenne se sont trouvés au lycée à Toulouse parce qu'ils lisaient le même livre, « Le Trésor maudit de Rennes-le-Château ». « Toute notre adolescence a baigné dans ces histoires de recherche de trésor, explique Giacometti. Un an plus tard, on partait avec pelles et pioches pour essayer de découvrir le secret de Rennes-le-Château. On n'a rien trouvé si ce n'est une amitié. »

Quinze ans après, ils décident de collaborer et écrivent ensemble leur premier livre, « Le Rituel de l'ombre » (2005), au centre duquel ils placent la franc-maçonnerie. A l'époque, Ravenne est maçon depuis déjà sept ans. « C'est tombé à un moment de ma vie où j'étais en rupture de ban avec le CNRS, en train de divorcer et quittant Paris pour repartir dans le Sud. Des choses aussi simples que la rigueur du travail litanique et la fraternité en loge étaient des éléments constitutifs de l'existence que je m'apprêtais à vivre. » Membre du Grand Orient de France (son grade est trop élevé pour qu'il ait le droit de le dévoiler), il se partage entre une loge à Paris et une autre dans le Sud-Ouest.

Giacometti, lui, n'en est pas. « Ma première vision de la maçonnerie est née de mes enquêtes sur la Côte d'Azur, raconte-t-il, et les maçons dont j'entendais parler étaient plus des franches crapules que des gens sincères et authentiques. Maintenant, je suis ce qu'ils appellent un maçon sans tablier. J'ai beaucoup de respect pour la maçonnerie, même si j'ai ma part d'indépendance. Si nous étions tous les deux maçons, je ne suis pas certain que nos livres auraient le même ton. » Selon Ravenne, « le premier livre est né de nos discussions contradictoires et de nos visions très contrastées ».

Un héros

« A Antoine Marcas, flic, franc-maçon et fier de l'être... ». Il est rare de voir un livre de fiction dédié à son principal personnage. C'est pourtant le cas du « Temple noir », huitième aventure du commissaire inventé il y a sept ans. Ce héros récurrent a sa page sur Facebook (facebook.com/groups/antoine.marcas) et va devenir un personnage de BD en septembre avec l'adaptation du « Rituel de l'ombre ».

L'idée d'un héros franc-maçon leur est venue « très naturellement » quand ils ont décidé d'écrire ensemble. Mais Marcas est devenu tellement populaire qu'il en est parfois envahissant. « Désormais, dit Giacometti, on nous en parle comme d'un personnage réel. Et on se fait même engueuler par des lectrices parce que sa vie sentimentale n'est pas assez rangée ». A la manière d'un Holmes pour Conan Doyle ou d'un Lupin pour Maurice Leblanc -c'est Ravenne qui établit le parallèle -, Marcas semble parfois peser sur ses deux pères. D'ailleurs ils « se posent la question de faire une pause d'un an [avec lui] pour le reprendre dans deux ans ».

Un boulot

Mais Marcas n'explique pas à lui seul le succès de la saga. « La maçonnerie est le triangle des fantasmes, sans faire de mauvais jeu de mots », explique Giacometti. Le premier est celui du pouvoir (qui peut aller jusqu'au conspirationnisme, phénomène qui inquiète le journaliste comme le politique qu'ils sont encore). Le second est celui de la solidarité. Et le troisième est le fantasme ésotérique. « Les franc-maçons sont censés détenir des secrets mystérieux. Il n'existe pas dans le monde d'objet culturel et intellectuel aussi singulier que celui-ci. C'est le plus intéressant pour les auteurs que nous sommes. »

Un Giacometti-Ravenne repose toujours sur deux intrigues liées, l'une contemporaine, l'autre historique. « J'écris la partie contemporaine, sauf les parties purement maçonniques, puisque c'est lui l'être de lumière », explique Giacometti. A Ravenne la partie historique. « Tous les trois chapitres, on se les envoie et on les réécrit. Tous les deux mois, on se retrouve pour compacter tout ça », détaillent-ils. Une mécanique rodée au fil des années, chacun ayant confiance dans le jugement de l'autre « sans ego mal placé ».

Dans les derniers livres, les deux parties se sont équilibrées et « les personnages ont pris de la place par rapport à l'intrigue », selon Ravenne. Mais ils demandent de plus en plus de temps. « Nous explorons un domaine, l'ésotérisme, dont les thématiques sont connues : les templiers, les cathares, le spiritisme, la franc-maçonnerie, explique Giacometti. Pour faire un nouveau roman sur les templiers et le vendre comme on en vend, alors qu'il y a des centaines d'ouvrages sur le sujet, il faut présenter une autre optique des choses. » « Le Temple noir » a par exemple nécessité sept mois de travail, sans compter les recherches.

Difficile à combiner avec une activité professionnelle ou publique. Alors tous deux ont décidé de profiter de leur succès pour « s'acheter du temps ». Ravenne : « On approche tous les deux de la cinquantaine et c'est un bien essentiel ». Giacometti : « Tu as raison, c'est un bien précieux ». Ravenne : « Et il ne se paie jamais trop cher ». Conclusion à deux voix pour un auteur à deux visages.

Comment on this post